Vous avez remarqué que notre spiruline n’a pas de logo “bio“ ? Pourtant vous êtes convaincu, à juste titre, par le fait qu’on cultive la spiruline que vous consommez sans pesticide et de la manière la plus écologique et qualitative possible ?
Alors pourquoi ne sommes-nous pas certifié ?
Pourquoi trouve-t-on, en pharmacie ou en magasin bio, des spirulines d’importation estampillées “bio”, dont l’origine n’est pas forcément indiquée?
Et enfin, quelle spiruline choisir, bio ou pas bio?
Qu’est-ce que la bio ?
La “bio”, terme féminin condensé d’Agriculture Biologique”, c’est produire des aliments sans utiliser de produits de synthèse (engrais ou pesticides), ni pour les faire croître, ni pour les soigner. Tout vient directement de la nature.
La “bio” ou “Agriculture Biologique”, c’est aussi répondre à un cahier des charges défini à l’échelle européenne et transposé à l’échelle nationale par nos ministères, utiliser les règles de l’agriculture biologique et le faire vérifier par une société dénommée « organisme certificateur ».
Y a-t-il bio et bio ?
Il existe plusieurs types de cahiers des charges. Certains sont officiels car reconnus par l’Europe, en attestent les logos « AB » ou « feuille européenne » ; leur contenu est public et validé par les institutions. De très nombreux autres sont privés, leur contenu est parfois connu, parfois tenu secret.
Ne confondez pas la certification Bio et la société qui certifie. AB signifie que le produit est bio, « Naturland » ou « Ecocert » sont des organismes certificateurs, pour ne citer qu’eux (il en existe 10 en France et de très nombreux à l’étranger).
Dans tous les cas, un logo ou une mention « bio » n’est pas un critère de qualité, mais atteste de la manière dont l’aliment a été produit. Il existe de très bons produits « bio », comme de moins bons ; il existe de très bons produits « non bio », comme de moins bons !
La culture de spiruline bio
Pour commencer, soyons clairs : la culture de la spiruline ne nécessite aucun pesticide, herbicide, OGM ou autre produit toxique. Elle est donc par essence déjà très proche de la définition de “bio”.
De plus, les producteurs.rices de la FSF ont toujours eu à cœur de faire évoluer leurs pratiques afin qu’elles soient le plus éco-responsables possible. La culture de spiruline est également très économe en énergie et en eau : produire 1 kg de spiruline demande environ 500 litres d’eau, quand produire 1 kg de viande de bœuf demande environ 20 000 litres d’eau.
La culture de spiruline, à “un cheveu” de la production Bio
La culture de spiruline telle qu’on la pratique en France, dans des bassins sous serre, est basée sur la reproduction des conditions naturelles de vie de la cyanobactérie. L’eau dans laquelle elle pousse, qu’on appelle aussi le milieu de culture, est une eau douce, enrichie en sels minéraux. La plupart de ces sels utilisés par les producteur.rice.s français.es dans leurs bassins sont compatibles avec le cahier des charges Agriculture Biologique européen.
Mais alors qu’est-ce qui pose problème?
La spiruline bio dans l’histoire de la FSF
—– Une fédération de producteurs crée POUR la spiruline bio —–
La Fédération des Spiruliniers de France, dont nous sommes membres, est créée en 2009 dans le but de mettre en œuvre un cahier des charges de culture de spiruline bio en France. En effet, il n’existe à l’époque en Europe aucun cahier des charges bio pour la production de cyanobactéries.
Les premiers producteurs français décident donc de se regrouper pour porter ce projet commun et se constituer comme interlocuteur vis-à-vis des instances officielles.
En 2015, un premier pas avorté vers la spiruline bio made in France
En 2014 et après des années d’essais, la création en France d’unités capables de produire des minéraux compatibles avec la culture biologique a permis de mettre la bio à portée de tous les spiruliniers.
En Mai 2015, la Fédération des Spiruliniers de France dépose un cahier des charges « spiruline biologique » à l’INAO* pour validation par le CNAB*.
En 2015 également, la Fédération lance un premier programme de recherche et développement sur la culture de spiruline bio.
En 2017 l’Europe classe la cyanobactérie d’eau douce Spiruline parmi les algues marines
Le 7 mai 2017, l’Europe classe la spiruline dans les “algues marines” et la soumet ainsi au Règlement RCE 889/2008. Or la spiruline n’est ni une algue, ni un organisme marin, mais bien une cyanobactérie d’eau douce.
La validation du cahier des charges français “spiruline biologique” n’est donc plus possible car la spiruline a été classée en « algue marine » par l’Europe.
En septembre 2017, la Fédération dépose avec le soutien du Ministère de l’Agriculture, des demandes d’amendements pour faire évoluer les critères de sélection des intrants acceptés par le règlement européen.
Ces demandes ont été reçues et sont en cours d’étude par la Commission Européenne.
Pourquoi la plupart des spirulines françaises ne sont-elles pas bio ?
Actuellement, toutes les formes minérales, tous les intrants servant à nourrir la spiruline et utilisés dans les fermes françaises sont utilisables en bio, sauf une, l’azote.
L’azote utilisé par la plupart des productrices et producteurs français est de l’azote synthétique, c’est-à-dire ayant été créé par une réaction chimique provoquée par l’homme. Il n’est pas utilisable en bio car il est fabriqué artificiellement par l’homme.
Il s’agit le plus souvent d’urée, synthétisée à partir d’ammoniac – lui-même obtenu à partir de l’azote atmosphérique – et de CO2, par une réaction à chaud et sous pression. C’est un produit qui a le grand avantage d’être pur, et de ne laisser aucune trace, puisqu’il est entièrement consommé par la spiruline et transformé en protéines. Il permet ainsi de garder des milieux de culture propres, non contaminés par d’autres éléments, et qui pourront être réutilisés plusieurs années, préservant notamment les ressources en eau.
Nous avons par ailleurs depuis longtemps vérifié la totale innocuité bactériologique et l’absence de métaux lourds dans une spiruline produite artisanalement à l’aide d’urée.
L’azote utilisé actuellement n’est donc pas “bio”, mais il permet de produire de la spiruline d’excellente qualité, exempte de toute contamination bactériologique ou autre, et qui économise au maximum les ressources en eau.
Pour cultiver de la spiruline vraiment bio
Il faut la « nourrir » avec les minéraux qui lui sont indispensables et qui proviennent de la nature : soit par extraction des minéraux, soit par fermentation de matières organiques végétales. La spiruline ne peut se nourrir qu’avec des minéraux dissous dans l’eau où elle vit, grâce au processus de la photosynthèse.
Des engrais azotés qui posent problème
Ce classement, non adapté à la spiruline, ne permet l’utilisation que d’engrais d’origine végétale ou minérale, qui ne sont pas directement assimilables par la spiruline. Le principal minéral qui pose problème reste l’azote. Il n’existe pas d’intrant azoté d’origine végétale compatible avec la culture biologique de spiruline qui ait fait ses preuves (maintien d’une qualité du produit fini et des conditions de production (rendement et coût de production) au moins équivalentes à la culture conventionnelle). La FSF poursuit donc ses recherches pour l’utilisation et le développement de sources d’azote compatibles avec la culture de spiruline.
Pour information, l’azote est indispensable à la construction des protéines. Comme la spiruline contient environ 65% de protéines, s’il n’y a pas d’azote, il n’y a pas de spiruline !
Où en est-on aujourd’hui ?
Le but de la Fédération est de trouver des intrants, en particulier azotés, compatibles à la fois avec le cahier des charges européen, la culture écologique de la spiruline telle que nous la pratiquons en France et les exigences de qualité et de sécurité sanitaire de la Fédération.
Depuis peu, il existe des sources d’azote d’origine végétale et utilisables en bio, donnant droit à la certification.
L’origine des ces produits (lointaine : à base de soja, canne à sucre, etc.), leur mode de fabrication énergivore, l’absence pour l’instant de certitude quant à la qualité alimentaire, bactériologique et l’absence de résidus dans la spiruline qui en est issue, conduisent la FSF à mener des recherches pour savoir si leur utilisation donne une spiruline aussi qualitative que celle produite avec de l’azote conventionnel.
Pour l’instant ces recherches ne sont pas terminées, il n’y a donc aucune certitude quant à leur utilisation, ni aucune validation de ces produits par les autorités sanitaires.
En parallèle, la FSF avance sur des sources azotées bio d’origine locale, plus cohérentes écologiquement.
Attention aux équivalences étrangères !
Les spirulines que l’on trouve en pharmacie ou en magasin bio, estampillées d’un label bio, sont en général des spirulines d’importation, sauf en cas de mention explicite “Origine France” ou “Cultivée en France”.
Le règlement européen permet l’importation de spirulines produites hors Europe, le plus souvent en Chine ou en Inde, grâce à ce que l’on appelle des “régimes d’équivalences”.
Ces régimes d’équivalences permettent aux importateurs d’obtenir, en France, le label bio AB européen pour des spirulines produites hors Europe, selon des cahiers des charges locaux, le plus souvent très différents de celui imposé en Europe et de l’idée que nous avons en Europe de la “bio”.
La qualité et la traçabilité de ces spirulines d’importation laissent souvent à désirer. Elles sont pourtant conditionnées en France et vendues sous l’appellation “Spiruline biologique” ou “spiruline bio” dans la plupart des pharmacies et autres magasins bios, ou par Internet par des marques à la limite de la publicité mensongère, mettant en avant le mot “France” ou le drapeau français.
Vérifiez donc bien l’origine de la spiruline sur son emballage avant de l’acheter. Sous le logo AB est inscrit l’origine de la matière première agricole. Sur ces produits d’importation vous remarquerez la mention “agriculture Non-UE”.
Le label BIO n’est malheureusement pas, pour le moment, une garantie de qualité pour la spiruline, comme en atteste cet extrait d’un rapport sur les labels bio.
Extrait du texte du Conseil économique, social et environnemental (CESE) qui commente le sujet dans son rapport sur les labels bio:
“En théorie, le logo européen (feuille) offre les mêmes garanties (absence de pesticide, attention au bien être animal…) que le label AB français. Dans le détail, les viandes et légumes bios venus de pays hors UE, peuvent bénéficier d’une équivalence. ”
La Commission européenne estime alors que les contrôles des pays d’origine suffisent. Ce qui est loin d’être satisfaisant. On a notamment vu que la spiruline bio venue de pays tiers pouvait poser des problèmes sanitaires“, pointe le co-rapporteur du CESE.
La FSF s’engage pour continuer ses recherches et ses démarches pour permettre dès que possible à ses adhérent.e.s de produire une spiruline de qualité irréprochable et labellisée bio.
Le positionnement des producteurs.rices de spiruline de la Fédération
Les spirulinier.ère.s de France souhaiteraient un label bio local et équitable alors que de nombreux producteurs ou importateurs sont prêts à se lancer dans le « bio à n’importe quel prix ».
Nous, producteurs.rices, persévérons et travaillons à la reconnaissance de notre cahier des charges mis au point durant de nombreuses années et correspondant véritablement à ce que doit être, techniquement et éthiquement, une spiruline biologique.
Les Spirulinier.ère.s de France “n’adhèrent pas” au cahier des charges “ALGUES MARINES” en l’état et qui leur est imposé par l’Europe pour la culture biologique : ce cahier des charges bio “européen” est tout sauf écologique – c’est la théorie de la bio sans les garanties pour la planète et le consommateur. En effet, il impose une nutrition de la spiruline à base de fertilisants uniquement d’origine minérale ou végétale. Il n’est pas tenu compte du caractère non renouvelable de certaines ressources minérales utilisées, ou de l’utilisation de ressources végétales non locales et provenant de cultures vivrières. A l’inverse, les fertilisants d’origine animale, qui pourraient être fabriqués par une valorisation de sous-produits de l’élevage (fumier, lisier) ne sont pas autorisés pour les algues alors qu’ils le sont pour les autres filières. Ces engrais, produits par des méthodes qui ont fait leurs preuves, permettraient à tous les producteurs de spiruline qui souhaiteraient se convertir à la bio d’utiliser un intrant propre, produit localement, et en économie circulaire!
Par ailleurs, l’alimentation produite à partir de matière organique végétale peuvent contenir de la matière organique, ce qui colore les milieux, réduisant la lumière accessible à la spiruline. Cet apport peut dégrader les conditions de production, et amène à changer les milieux très fréquemment, occasionnant une hausse de la quantité d’eau consommée et surtout rejetée avec des effluents chargés à retraiter. Point d’achoppement écologique incontournable que nous mettons en avant depuis mai 2015 auprès des instances du bio avec la FNAB*.
Les spirulinier.ère.s de France revendiquent aussi le statut de “cyanobactérie” et non celui d’”algue marine” avec les spécificités de milieux et de techniques de cultures qui sont celles des petites fermes paysannes bien différentes des modalités industrielles. Nous avons demandé dés 2017 des règles détaillées pour la spiruline qui sont dans l’attente de réponses des autorités.
Nous continuons donc notre chemin pour un label bio “cohérent”.
Soutenez nos démarches, nos actions et nos productions : nous sommes sur la bonne voie !
Mais alors, quelle spiruline choisir?
Notre spiruline produite en France est une spiruline de grande qualité nutritionnelle et gustative et cultivée de manière eco-responsable en consommant peu de ressources naturelles. Elle se rapproche en tous points de la conception que l’on se fait d’un aliment produit “en Agriculture Biologique”.
Voici le lien vers un article très intéressant sur le casse-tête réglementaire de la spiruline bio . Bonne lecture !
*INAO : Institut national de l’origine et de la qualité
*CNAB : Comité National de l’Agriculture Biologique
*FNAB : Fédération Nationale d’Agriculture Biologique des régions de France